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Contes, Nouvelles et Romans...

 

Histoires d'hier et d'aujourd'hui…
Jean Bruyat, sous sa plume sensible nous emmène dans le sillage des mots,
à l'écoute du temps, là où la mémoire funambule, là où nous retrouvons nos racines ou notre enfance.
Il était une fois …

 


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96 pages au format 15x21, dos carré collé, couverture quadripelliculée,
Editions GAP. (2008)

Ecoutez la présentation du livre par l'auteur
(Enregistrement effectué lors de l'émission "A vous de lire" de Michèle CARON  le 17.11.2008 sur France Bleu Isère)


avec le soutien du Conseil Général de l'Isère

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En écoutant une chanson de Jean Ferrat, le narrateur se souvient des moments pénibles ou exaltants partagés avec trois camarades de classe pendant la période 1939-1945 dans la région grenobloise. C’est pour lui l’occasion de nous faire revivre ces évènements avec le recul nécessaire de l’histoire et également nous rappeler que dans certaines situations, il faut savoir dire « non ». « Non » à tout ce qui peut avilir l’homme, le rabaisser, le détruire au nom de dogmes que d’autres souhaitent lui imposer par la force.

Un peuple qui se laisse bâillonner n'a plus d'avenir...

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 Notes de lecture :


                *"Une école élémentaire, des enfants, un petit village paisible de la vallée du Graisivaudan, les valeurs républicaines incarnées par le maître d'école, et soudain la guerre. Comment l'idéal de la résistance va-t-il faire son chemin dans la tête  des enfants et leur livrer les clés d'une éthique et d'une dignité humaine intransigeante face au dogmatisme, c'est là toute la force du livre. Un foulard rouge porté au maquis symbolise le passage de relais fraternel  afin de continuer la lutte en faveur de la dignité et de la liberté. Savoir dire "non" pour rester un homme...Une morale en forme de valeur universelle"

Marc Mingat  (Rédacteur en chef du mensuel d'information de Grenoble-Alpes-Métropole ; Communauté d'agglomération grenobloise)

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                     *"Roman d'aventure ? Roman d'histoire ? Roman d'abord !  Un  jeune  garçon  du Grésivaudan, Lucien, acteur et témoin de la guerre de 1939-45 : sa découverte de la répression, de la solidarité, de la résistance. Un récit scandé par des vers de poésie et de chansons (nuit et brouillard, le chant des partisans, l'affiche rouge). Un hommage manifeste qui fait une bonne part à la libération martinéroise et aux combats de la Galochère..."

Max Blanchard (Directeur du service informations municipales de Saint Martin d'Hères)

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*"...Sans  avoir la prétention  d'être un livre d'histoire, ce roman, selon la volonté de l'écrivain, démontre que par-delà les idéologies, des êtres aussi ordinaires soient-ils, peuvent s'élever conter l'injustice et s'unir. La figure locale de la résistance Pierre Fugain a d'ailleurs accepté de lui dédier une très élogieuse préface..."

Marion Morgana   (Dauphiné Libéré du lundi 24 novembre 2008)


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                      *"
...Le foulard rouge de Jean Bruyat raconte à travers le prisme des enfants, ces années sombres. L'ancien instituteur, enfant de la Galo, insiste : le devoir de transmission est nécessaire alors que le 70è anniversaire de la Libération s'annonce... Il fait également  revivre le passé de St Martin d'Hères en évoquant à sa manière l'exécution de Nello Sartini le 20 août 1944, dans la cour de l'école du village...Août 44 résonne comme un cri mêlant la douleur et la joie. Soixante-dix ans après on entend encore au loin la bataille de Gières. On devine la tête basse des occupants et la joie de ce môme voulant à tout prix grimper sur un véhicule américain..."

Christelle   Carmona  (Dauphiné Libéré du dimanche 20 juillet 2014)

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Extraits

           [ …C’était le lundi deux octobre 1939. Le premier étant un dimanche, la traditionnelle date de la rentrée des classes avait de ce fait été décalée. Je n’avais pas très envie de reprendre l’école après de longs mois de vacances. Je tardais pour enfiler ma blouse grise. Depuis plus de trois semaines mon esprit était préoccupé par ce que j’entendais autour de moi J’errais entre mon bol de lait encore fumant et la fenêtre. Mes yeux cherchaient en vain le détail qui aurait pu me dispenser de rentrée aujourd’hui...]

 

         [...J’avais assisté aussi au départ des chevaux. Ces braves bêtes réquisitionnées pour le front alors qu’elles étaient très utiles à la campagne. Le père Calixte en pleurait. Pauvre homme !  Son regard mouillé d’amertume et d’incompréhension tentait malgré tout de retenir une image, la dernière, de  « Grisette » et de « Pompon ». Il savait bien qu’il ne les reverrait jamais. Il savait par expérience ce que devenaient les chevaux quand on n’avait plus besoin d’eux. De grosses larmes coulaient de ses yeux. Silencieuses.  Il s’était habillé pour la circonstance le pépé. Il avait revêtu le bleu du dimanche. Il souhaitait que ses chevaux puissent emporter un joli souvenir de lui...]
 

           [ ...Je touchais au but quand soudain des éclats de voix retentirent. Je me réfugiai aussitôt dans l’ombre d’un recoin formé par deux murs. Je cherchai ma respiration.  Mes yeux inquiets sondaient les alentours. La nuit drapait tout dans son habituelle uniformité. Ça et là, le halo blafard du disque lunaire rajoutait aux lieux tant de fois parcourus une incertitude, quelque chose de mystérieux, d’effrayant…
                                                    "… La lune se taisait comme vous vous taisiez,
 
                                                    En regardant au loin, en regardant dehors… "

            Je tendis l’oreille. Des mots incompréhensibles me parvenaient par bribes. Des sonorités rudes. Un rythme haché au milieu duquel je croyais percevoir par instants des éclats de rire. Des pas se rapprochaient…Je les imaginais à quelques mètres…Peut être moins. Tout à coup, je discernai deux silhouettes en uniforme. Leurs casques par intermittence renvoyaient à la pénombre des éclats furtifs. Les canons luisants de leur fusil rajoutaient leur touche diabolique. La cadence marquée par leurs bottes martelait le silence et l’obscurité…]

          

                       [... Les   cinq   hommes   furent  alignés  sans  ménagement  le  long  du  mur du cimetière. Un groupe d’une dizaine de soldats leur fit face l’arme au pied. L’officier prit place pendant qu’un homme s’affairait à bander les yeux des condamnés. Un silence à couper au couteau régnait. Soudain, un homme fendit la foule et se dirigea droit sur le gradé.            
                                  
-Vous êtes devenus complètement fous ! Qu’est-ce qu’ils vous ont fait ces gars là ? Je les connais moi ! Je…
         
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Le revolver que le motard avait sorti de son étui, l’en empêcha…L’homme s’affala à terre dans un bruit mat. Une tache rouge auréolait le dos de sa soutane au milieu des épaules.
           Personne n’osa faire un pas en avant pour relever le père Simon. Je serrai toujours la main de Clovis. Un peu plus fort.. L’Officier prit la parole dans un français approximatif. Il se lança dans des explications que personne n’écoutait. Il s’adressa ensuite au peloton d’exécution. Les hommes levèrent leurs armes et épaulèrent. L’attente fut insupportable. Pedro profita de ce silence et du délai qui lui était accordé bien involontairement pour s’adresser à nous. La poitrine offerte libéra une salve de trois mots brefs. Je serrai davantage les doigts de mon camarade. Je fermai les yeux.
                                    -Viva la muerte ! Viva la libertad !
           Les détonations lui répondirent. Elles mirent un point final à la phrase laissée en suspension. Je lâchai la main de Clovis et lui tombai dans les bras…L’officier s’approcha des corps inertes. Il les retourna du pied et porta les cinq coups de grâce. Son pistolet cracha à cinq reprises ses abeilles de haine qui brisèrent définitivement tout espoir de survie. Enfin il nous fit face. Raide dans sa gangue vert de gris...].

                       [... Nous avancions prudemment. La végétation florissante des berges de l’Isère nous offrait sa protection sous un couvert abondant. Au-dessus des frondaisons séculaires les tirs se croisaient. Les sifflements assourdissants des obus déchiraient l’espace et s’écrasaient avec fracas du côté de Domène.  A chaque passage, avant chaque explosion, nous sautions à terre, abandonnant nos vélos. Nous nous allongions le plus rapidement possible sur le sol la plupart du temps humide et boueux des rives du fleuve. Les mains repliées sur les oreilles, la tête  rentrée dans les épaules, nous attendions que les frissons qui parcouraient notre dos veuillent bien quitter nos corps tremblants. A chaque alerte, de grosses gouttes de sueur perlaient sur nos fronts. Elles dessinaient des parcours chaotiques mais du plus bel effet, contournant les traces laissées sur notre peau par le contact avec les alluvions noires de la rive. Nos visages finissaient par être complètement maculés de traits que nos doigts étendaient à loisir lorsque nous nous relevions. Nous voulions essuyer la peur mais chaque fois, elle revenait encore plus forte.  Après une explosion d’une violence extrême je vis Clovis se redresser et toucher instinctivement l’entre jambe mouillée de son pantalon. Il perçut mon regard interrogateur. Il rougit en tournant la tête de l’autre côté…]

 

            [...Vers la fin de l’après-midi, les armes se turent. Un silence lourd, assourdissant envahit le quartier. Nous étions tous sur le qui-vive lorsque là-bas, à huit cents mètres, un chiffon blanc s’agita d’abord frénétiquement puis plus amplement.  Immédiatement derrière lui, une colonne peu à peu se forma.  Des hommes, les bras en l’air semblaient sortir de nulle part. Ils s’avançaient lentement, en file indienne, surveillés au travers de la mire des mitrailleuses « US » qui étaient pointées sur eux.  D’un pas lourd, ils s’approchaient. Je ne pus m’empêcher de repenser à leur allure altière pendant l’occupation de notre village dans la vallée. Qu’ils étaient fiers, arrogants dans leurs uniformes fringants. Qu’ils sont misérables, pitoyables dans leur accoutrement maculé de boue. J’assistais avec mes camarades à la débâcle de la grande armée du IIIè Reich. Ces soldats usés, fatigués, démoralisés, l’œil hagard furent rapidement encadrés par les Américains et les partisans...]

 

          [ ... J’hésitai un peu puis m’approchai de la Citroën. Je pris le morceau de tissu rouge qu’il me tendait. Je le portai à hauteur de mon visage et j’inspirai profondément en fermant les yeux comme l’avait fait Louise au départ de Baptiste. En un instant je revis une foule d’images sans doute enfouies dans les plis du foulard et que malgré moi, j’exhumai. Je cachai mon trophée au fond de ma poche...Un trait d’union. Une flamme. Un triangle  d’espoir. Un bourgeon de soleil… Lumière. Etincelle de vie pour fêter d’autres demains...]

 


                     
             

                         


TOUTE REPRODUCTION, MEME PARTIELLE, INTERDITE SANS L'ACCORD ECRIT DE L'AUTEUR.


 


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